Marrakech – Avec une carrière qui s’étend sur plus de quatre décennies, l’acteur et réalisateur américain Sean Penn s’est imposé dans l’univers du cinéma hollywoodien avec un tempérament artistique unique et une vision sociale et politique intraitable.
L’éternel rebelle au caractère bouillant fait l’unanimité auprès des critiques et du public grâce à son talent et à ses choix audacieux, tout en assumant ses prises de position publiques et ses sorties médiatiques qui ne manquent pas de provoquer des flots de controverses et de critiques.
Figure emblématique du cinéma mondial, Sean Penn, auquel un vibrant hommage sera rendu lors de la la 21e édition du Festival international du film de Marrakech, aurait pu emprunter la voie classique de la star romantique qui fait rêver la jeunesse, surtout qu’il avait débuté en 1981 aux côtés de Tom Cruise dans le film Taps de Harold Becker. Cependant, il s’est rapidement écarté de ce chemin pour se consacrer à des rôles qui explorent des personnages tourmentés, souvent issus de la marge sociale, et qui résonnent à l’écran avec une intensité brutale et déchirante.
Son tempérament fougueux et sa passion ont fini par creuser des sillons sur le visage du jeune homme de Santa Monica (Californie) et forgé un timbre de voix prêt à rugir face à l’injustice.
Pour Sean Penn, chaque rôle est un acte de conviction, une prise de position face au monde, à la société et à l’ordre social établi.
De criminel au sein d’un gang dirigé par son père (interprété par Christopher Walken) dans “Comme un chien enragé” de James Foley (1986), au soldat violeur sous la direction de Brian De Palma dans “Outrages” (1990), en passant par un condamné à mort dans “La Dernière Marche” de Tim Robbins (1995) ou encore un handicapé mental bouleversant dans “Sam, je suis Sam” de Jessie Nelson (2001), Sean Penn a marqué le cinéma par des performances d’une profondeur rare et d’une intensité émotionnelle saisissante.
La liste des choix audacieux et intenses s’est poursuivie au fil du temps et des films, offrant à Sean Penn des rôles complexes et sombres qui explorent les zones grises de l’âme humaine. Parmi eux, celui d’un père dévasté par le meurtre de sa fille, décidé à se venger lui-même du présumé coupable, dans “Mystic River” (2003), réalisé par l’acteur et cinéaste Clint Eastwood. Ce rôle lui a valu son premier Oscar du meilleur acteur.
Il est revenu sur le devant de la scène pour décrocher une deuxième statuette grâce à sa performance magistrale dans “Milk” (2008), sous la direction de Gus Van Sant. Loin du cinéma hollywoodien et des grands plateaux, l’acteur s’est fait remarquer dans des productions indépendantes telles que “21 Grammes” (2003) d’Alejandro González Iñárritu et “L’Assassinat de Richard Nixon” (2004), offrant ainsi une opportunité au réalisateur Nils Müller.
Avec quelques titres comme “L’arbre de vie” (2011) réalisé par Terrence Malick, le rythme des apparitions cinématographiques de Sean Penn a considérablement ralenti à partir de la deuxième décennie du siècle. Et pour cause: “les plateaux de cinéma ne lui offrent plus le plaisir qui le motive à quitter sa maison”. Des “années malheureuses”, dit-il. Son relatif retrait n’a pas éclipsé une carrière couronné en 2015 par un César d’honneur pour l’ensemble de son œuvre.
La difficulté à trouver des projets stimulant son envie de jouer explique qu’il se soit essayé à la réalisation, et parfois à l’écriture, avec des succès inégaux. Passer derrière la caméra lui offre une plus grande liberté pour choisir ses angles narratifs et façonner un discours puissant. La quête de la difficulté et l’envie de repousser ses propres limites l’ont conduit à “Jour du drapeau” (2021), où il met en scène sa fille, Dylan Penn, incarnant une jeune femme qui découvre la vérité sur son père (Sean Penn), un homme au passé criminel soigneusement dissimulé derrière un masque de tendresse et d’affection familiale.
“Je fais du cinéma pour ceux qui se retirent dans la solitude, submergés par la peur et la douleur dans leur lutte contre le monde. Je veux leur montrer qu’il y en a d’autres comme eux, qu’ils ne sont pas seuls”, déclare Sean Penn, qui fait toujours sensation à l’écran et ailleurs.
Passionné de surf, Sean Penn ne se laisse pas conformer aux règles du silence et reste fidèle à son refus des silences complaisants.